Le chanvre, matériau biosourcé et ses applications dans la construction durable

Le chanvre, matériau biosourcé et ses applications dans la construction durable

Le chanvre : un retour aux sources pour construire l’avenir

Matériau ancestral à l’histoire millénaire, le chanvre (Cannabis sativa) effectue aujourd’hui un retour remarqué sur les chantiers de construction durable. Longtemps délaissé au profit de matériaux conventionnels, il incarne aujourd’hui une réponse concrète aux défis environnementaux, économiques et techniques du secteur du bâtiment. Cette plante robuste, cultivée sans traitement phytosanitaire majeur et à croissance rapide, trouve désormais sa place dans les murs, les isolants, et même dans les mortiers.

Mais pourquoi un tel engouement ? Quels sont ses véritables atouts, et dans quels contextes peut-il s’intégrer efficacement dans une démarche de construction durable ? C’est ce que nous allons explorer ensemble, à travers un regard pragmatique et documenté.

Le chanvre, une plante aux multiples visages

Avant de parler chantiers et béton végétal, il convient de mieux comprendre la matière première. Le chanvre industriel cultivé pour le bâtiment n’a rien à voir avec son cousin psychotrope – inutile de stocker vos briques sous clé ! Il s’agit d’une ressource agricole parfaitement légale, déjà largement exploitée dans l’agro-industrie, la papeterie ou encore l’alimentation.

Ce qui nous intéresse ici, ce sont principalement deux parties de la plante :

  • La chènevotte, partie ligneuse de la tige, est utilisée dans la fabrication du béton de chanvre ou des isolants en vrac.
  • La fibre de chanvre, extraite de l’écorce, sert à produire des panneaux isolants, des feutres ou des écomatériaux composites.

Autrement dit, rien ne se perd, tout se transforme – et de manière particulièrement durable.

Une performance thermique et hygrométrique remarquable

Parlons concret : un matériau n’a sa place dans le bâtiment que s’il répond à des exigences techniques précises. Le chanvre, sous ses différentes formes, présente d’excellentes performances isolantes. Son coefficient de conductivité thermique varie entre 0,038 et 0,045 W/m·K selon les produits, ce qui le place dans une fourchette très compétitive par rapport à des isolants traditionnels.

Là où il se distingue vraiment, c’est dans sa régulation naturelle de l’humidité. Le béton de chanvre, notamment, agit comme un « tampon » hygrométrique. Il absorbe les excès d’humidité pour les restituer quand l’air devient plus sec. Résultats ? Une atmosphère intérieure plus saine, et une meilleure durabilité des structures bois avec lesquelles il est souvent associé.

Ce matériau est donc particulièrement adapté aux constructions passives ou à haute performance énergétique, et s’inscrit parfaitement dans une dynamique de confort durable, sans recours massif aux systèmes de traitement de l’air.

Béton de chanvre : une alternative structurelle et écologique

Probablement la forme la plus emblématique d’utilisation du chanvre dans le bâtiment : le béton de chanvre. Il s’agit d’un mélange de chènevotte, de chaux hydraulique (ou de liant à base de terre) et d’eau. Contrairement aux bétons traditionnels, il n’est pas porteur, mais offre une isolation très performante et une excellente inertie thermique.

Il peut être mis en œuvre de plusieurs façons : en remplissage de coffrage, projeté, ou sous forme de blocs préfabriqués. Sa légèreté permet une manipulation aisée sur chantier et limite les fondations lourdes.

Un exemple concret ? La maison Feuillette, construite en 1920 à Montargis en France à partir de béton de chanvre, est aujourd’hui encore parfaitement fonctionnelle et en excellent état. De quoi mettre fin à certaines idées reçues sur la durabilité de ce matériau.

Des panneaux isolants biosourcés aux performances croissantes

Au-delà du béton de chanvre, la transformation des fibres de la plante permet la fabrication de panneaux isolants rigides ou semi-rigides. Ces produits, souvent associés à d’autres matières naturelles comme le lin ou la ouate de cellulose, sont largement utilisés en pose murale ou en toiture.

Avantages ? Faible énergie grise, capacité à capter du CO₂ pendant la croissance de la plante (jusqu’à 1,8 tonne par tonne de chanvre), très bon comportement à la vapeur d’eau et excellente résistance au feu (classement B-s1,d0 avec adjuvants naturels). En résumé, du bon sens en panneaux.

Un matériau circulaire au cœur d’une agriculture régénérative

Cultiver du chanvre n’est pas seulement écologique du point de vue de la matière produite. Ce végétal présente également de nombreux bénéfices agronomiques :

  • Il pousse en 100 à 120 jours, sans engrais chimiques ni pesticides
  • Il améliore la structure du sol et laisse peu de mauvaises herbes
  • Il capte efficacement le CO₂ atmosphérique
  • Il peut être intégré à des rotations culturales vertueuses

En réintégrant une culture locale et ancienne dans notre paysage agricole, on alimente une économie circulaire à impact positif. Plusieurs coopératives agricoles françaises et suisses ont d’ailleurs développé des filières locales de transformation, avec des circuits courts et une logistique maîtrisée.

Quels freins à lever pour généraliser son utilisation ?

Malgré ses nombreux avantages, le chanvre reste encore marginal dans la construction neuve ou la rénovation à grande échelle. Les raisons sont multiples :

  • Manque de formation des artisans à sa mise en œuvre
  • Présence encore limitée de filières industrielles structurées
  • Appels d’offres publics souvent calibrés pour des produits normés classiques
  • Perception de ce matériau comme un choix « alternatif » ou réservé à l’autoconstruction

Cependant, les grandes écoles d’architecture et d’ingénierie commencent à intégrer le chanvre dans leurs programmes. Les certifications (ACERMI, Avis Techniques, FDES) se développent, et les retours d’expérience chantiers se multiplient. Ce n’est donc plus un ovni biosourcé, mais un matériau crédible, validé, et en voie de normalisation.

Le chanvre : un levier pour construire autrement

Utiliser du chanvre dans un projet de construction, ce n’est pas simplement faire un geste « écolo-par-facilité ». C’est un choix technique réfléchi, compatible avec des objectifs de performance thermique, de confort intérieur et de durabilité de l’enveloppe. C’est également un engagement pour une économie locale, bas carbone et respectueuse des dynamiques agricoles territoriales.

Dans un monde du bâtiment en pleine mutation, tiraillé entre normes environnementales, exigences énergétiques et nouvelles attentes sociétales, le chanvre propose une réponse résolument ancrée dans le réel. Ni retour en arrière, ni utopie verte : juste une solution cohérente et éprouvée qui fait aujourd’hui, tout simplement, ses preuves.

Alors, à quand vos premiers murs en béton de chanvre ?

Rayen