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L’utilisation de matériaux locaux pour réduire l’empreinte carbone du bâtiment

L'utilisation de matériaux locaux pour réduire l’empreinte carbone du bâtiment

L'utilisation de matériaux locaux pour réduire l’empreinte carbone du bâtiment

Le bon sens géographique : pourquoi aller chercher loin ce que l’on a sous les pieds ?

Un chantier commence bien avant la pose de la première pierre. Dès sa phase de conception, le bâtiment que l’on imagine intègre déjà un ensemble de choix techniques, logistiques et environnementaux qui pèseront sur son empreinte carbone finale. Parmi eux, le choix des matériaux est souvent sous-estimé, alors qu’il représente une part conséquente des émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment. En Suisse comme ailleurs, le recours aux matériaux locaux devient une stratégie pertinente – voire nécessaire – pour tendre vers une construction véritablement durable.

Le poids carbone des matériaux de construction : de quoi parle-t-on exactement ?

Les matériaux de construction sont responsables d’environ 11 % des émissions mondiales de CO₂, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE, 2022). Ces émissions proviennent en grande partie de leur fabrication (béton, acier, verre), mais aussi – et on l’oublie souvent – de leur transport. Lorsqu’une dalle en béton de 20 tonnes parcourt 300 km en poids lourd, son impact carbone explose.

À l’échelle d’un bâtiment, cela se traduit par une empreinte « grise » (liée à la production et livraison des matériaux) parfois plus lourde que l’empreinte énergétique liée à l’exploitation durant les 50 prochaines années. C’est dire l’enjeu.

Alors, comment diminuer drastiquement cette empreinte sans compromettre la qualité structurale ou esthétique du bâti ? La réponse pourrait se trouver plus près qu’il n’y paraît : dans nos forêts, nos carrières, ou même simplement dans les démolitions d’à côté.

Matériaux locaux : ce que cela implique concrètement

Utiliser des matériaux locaux, ce n’est pas seulement faire un clin d’œil sympathique au patrimoine régional. C’est engager un cercle vertueux autour de trois axes :

Note importante : « Matériaux locaux » ne signifie pas nécessairement « retour au moyen-âge ». Il s’agit de réinterpréter les savoir-faire anciens à la lumière des normes actuelles. On peut tout à fait construire à hautes performances avec de la pierre, de l’argile ou du bois, pourvu que le design architectural et l’ingénierie soient à la hauteur.

Quelques exemples parlants (et locaux, évidemment)

Les initiatives se multiplient en Suisse, preuve que l’idée progresse au-delà du simple discours environnemental.

1. Le bois suisse, une évidence revalorisée

Avec un taux de boisement national de plus de 30 %, la Suisse dispose d’une ressource boisée considérable, souvent sous-exploitée. Utiliser du bois suisse (hêtre, épicéa, mélèze) pour la structure, les façades ou les aménagements intérieurs n’est pas un geste symbolique : c’est un choix bas carbone concret. Moins de transport, traçabilité garantie, meilleure intégration au territoire. Les exemples de bâtiments en CLT (cross-laminated timber) d’origine régionale se multiplient, notamment dans les cantons de Vaud, du Valais et de Fribourg.

2. La pierre massive : entre tradition et innovation

Longtemps boudée pour son coût et sa complexité, la pierre massive fait un retour remarqué, boostée par des techniques assistées par informatique (CNC) permettant des découpes précises et rapides. Dans des projets comme l’immeuble de logements à Genève, conçu par le bureau Pont12, l’utilisation de pierre calcaire locale a permis de réduire l’empreinte carbone par un facteur 2,5 par rapport à une solution en béton. Et en termes de durabilité ? Rendez-vous dans 200 ans.

3. La terre crue, championne de la régulation hygrothermique

Matériau ancestral par excellence, la terre crue (pisé, adobe, torchis) revient dans les radars grâce à ses propriétés de régulation naturelle de l’humidité et de la température. On l’utilise aujourd’hui dans des écoles, des logements sociaux, voire des bâtiments publics, comme l’a montré le projet du centre culturel Andamio, construit en pisé à Lausanne. Faible empreinte, excellent confort intérieur, et un cachet inimitable.

Les freins à surmonter

Malgré son potentiel évident, l’usage des matériaux locaux n’est pas encore systématique. Plusieurs obstacles freinent son adoption :

Bonne nouvelle : ces freins ne sont pas insurmontables. Des bureaux d’études, architectes et artisans s’organisent pour développer des solutions modulables, assurant performances et conformité réglementaire. C’est en expérimentant que les normes évoluent, pas l’inverse.

Bien choisir ses matériaux locaux : quelques clés méthodologiques

Toute utilisation locale n’est pas automatiquement vertueuse. Pour qu’un matériau local soit réellement écologique, encore faut-il qu’il soit adapté, durable et intégré dans une architecture cohérente. Voici quelques critères d’analyse simples mais efficaces :

Un levier majeur de la décarbonation des bâtiments

Le secteur du bâtiment a longtemps abordé la transition écologique par le prisme de l’isolation ou des équipements énergétiques. Ces leviers restent fondamentaux, mais ils ne suffisent plus. L’étape suivante – et indispensable – est de minimiser l’impact carbone des matériaux eux-mêmes, dès la phase conception. Le recours à des matériaux locaux, naturels ou recyclés, s’inscrit dans cette logique de sobriété raisonnée.

Ce n’est pas toujours plus simple. Ce n’est pas toujours moins cher. Mais c’est (souvent) plus intelligent. À l’heure où chaque tonne de CO₂ évitée compte, pourquoi ne pas commencer par interroger vos fondations ?

Et si, sur votre prochain projet, vous remplaciez le béton importé par de la pierre locale ? Ou la laine minérale par de la paille compressée issue des champs voisins ? Chaque décision compte, chaque choix réoriente la trajectoire.

À bien y regarder, bâtir avec ce que l’on a sous la main, c’est peut-être la forme la plus élémentaire – et la plus élégante – du bon sens constructif.

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